dimanche 18 décembre 2011

Les dents de la mer

Abdullahi Ahmed Guelleh est un pêcheur somalien, enfin, était un pêcheur somalien. Avec sa barque, tous les jours, il pratiquait pour se nourrir lui et sa famille, une pêche vivrière sur les côtes de son pays, la Somalie qu'il n'avait jamais quittée et qu'il ne demandait pas à quitter. Malheureusement pour Abdullahi Ahmed Guelleh, un jour, il y a trois ans, il s'est retrouvé avec sa petite barque, pris entre des pirates somaliens et la Marine française qui surveille la côte de l'Afrique et procure la sécurité aux pêcheurs bretons et français qui y pêchent eux avec des chalutiers, ou des bateaux-usines qui draguent les fonds marins, l'Europe achetant des quotas de pêche (il y a longtemps qu'il n'y a plus assez de poisson sur les côtes françaises livrées à la surpêche pour satisfaire notre avidité) aux pays africains.
Abdullahi Ahmed Guelleh a été arrêté par la Marine français comme pirate, emmené de force en France et emprisonné à la Santé pendant 3 ans. Il vient d'être acquitté par la justice française qui reconnaît qu'il est victime dans cette affaire, mais comme le Parquet de Paris fait appel du jugement, Abdullahi Ahmed Guelleh doit rester en France, libre : sans toit, sans papiers, sans argent, sans connaître la langue, perdu dans une ville immense, Paris, qui le terrorise. Douce France, "humaine" justice française. Son histoire poignante est racontée par Le Monde et par RTL.

La pêche industrielle est un carnage, pour les poissons, pour l'environnement marin et pour les humains qui comme Abdullahi Ahmed Guelleh, se trouvent pris dans la nasse, sans jeu de mot. On se doute depuis longtemps que les pirates somaliens ne sont pas génération spontanée : l'argent (des contribuables) payé par Bruxelles aux pêcheurs européens aux moyens disproportionnés, va à des chefs d'états tyrans qui détournent cet argent à leur profit, leurs pêcheurs n'en voyant jamais la couleur. Il y aurait donc un lien entre la piraterie somalienne et les quotas, ce qui fait écrire à Die Welt ici que la piraterie est fabriquée par l'Europe. Il est donc parfaitement choquant de voir, comme il m'est arrivé il y a quelques mois, au Journal de France3 Ouest, en se félicitant de leur coopération, un chalutier concarnois partir pêcher avec des militaires français à bord "pour assurer sa sécurité". La pêche avec des moyens de guerre, du matériel de guerre, bref, la guerre de tous contre tous.

Les bans de poissons sont détectés sans la moindre échappatoire possible par satellites et par sonars, technologies militaires ; "les océans sont hérissés de pièges : chaluts, filets maillants, harpons lancés depuis des navires, lignes porteuses de milliers d'hameçons  garnis d'appâts vivants... Leurs innombrables victimes connaissent une agonie longue, angoissante et douloureuse." Je cite L214. Pire, il y a le bycatch (prises accessoires : poissons pris alors que nous les consommons pas et rejetés morts à la mer, gaspillage insensé) et la pêche fantôme, ces prises faites par des engins de pêche/engins de mort abandonnés dans les océans et qui continuent à pêcher seuls. Évidemment, cette casse concerne d'autres espèces telles tortues, poulpes, dauphins et baleines piégés eux aussi par les filets de ces abattoirs flottants. Selon L214, les poissons remontés vivants meurent par suffocation et éviscération, les poissons coincés au fond du chalut suffoquent, écrasés les uns contre les autres. Dans le cas de la pêche de grande profondeur, les poissons victimes de décompression à la remontée ont les viscères qui ressortent par la bouche, et leurs yeux sont éjectés des orbites.

60 milliards d'animaux terrestres sont abattus par an sur la planète. Les poissons ne sont pas inclus dans ce comptage ; en effet, les poissons ne sont jamais décomptés individuellement, mais par tonnage. Les poissons font partie du règne animal et à ce titre ils sont des être sensibles (Traité d'Amsterdam) capables de ressentir de la souffrance. Les poissons présentent un riche éventail de comportements complexes, et ils ont une mémoire à long terme impressionnante, comparable à celle des autres vertébrés.

La moitié des poissons pêchés en Mer du Nord sont rejetés morts dans la mer déclare Hugh's Fishfight dont vous pouvez signer la campagne ICI à destination de la Communauté Européenne via la Commissaire aux affaires maritimes et à la pêche Maria Damanaki en vue d'une réforme nécessaire de la pêche :



Greenpeace fait campagne en mer à bord de l'Arctic Sunrise, contre la pêche profonde (deep sea bottom trawling), ce qui a conduit la SCAPECHE, filiale lorientaise d'Intermarché et premier armement français pour la pêche en eau profonde, à déposer une plainte contre l'ONG. Greenpeace milite également contre les FADs (fish aggregating devices, dispositifs d'agrégation de poissons) et contre la pêche à la senne (purse seine) :



Évidemment, les dents de la mer, c'est nous, c'est un massacre et il est subventionné ; selon une une interview à Libération de Stéphane Beaucher "Aujourd'hui, la pêche française n'existe que par la volonté politique... La filière fait 1,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires et reçoit 875 millions d'euros de subventions publiques". La Commission Européenne n'est pas en reste : "Les citoyens européens paient deux fois leur poisson : une fois quand ils l'achètent et une deuxième fois par leurs impôts". La surpêche découle de la surcapitalisation de la flotte, en d'autres termes, trop de pêche à cause de trop de subventions, trop de bateaux et surtout trop gros bateaux égalent incitation à détruire la ressource, selon l'ONG OCEANA. A moins d'habiter une banquise gelée (eskimos) ou un désert de sable avec frontière maritime comme la Somalie, manger du poisson n'est absolument pas nécessaire à un régime alimentaire équilibré. Et en matière d'élevage, les fermes aquacoles sont des enclos à haute densité de poissons nourris avec des farines animales supplémentées en antibiotiques pour contrer les risques d'épizootie due à la grande promiscuité. Elles sont extrêmement polluantes. 

Que faire de notre flotte de pêche alors ? Recycler la flotte pour nettoyer les océans ? Il y a de quoi faire en tous cas ! En direct du "continent de plastique" film trouvé sur le site de la Région Bretagne.



D'autant que Fukushima menace les américains : une masse de débris provenant des ravages du tsunami, faisant deux fois la France, se dirige vers les Etats-Unis et pourrait les atteindre avant 2013 pour repartir vers les îles d'Hawaï en 2014 et 2015. Je vous laisse imaginer la toxicité de ces débris.

Liens pour aller plus loin :  
Quand la Somalie à faim, on vole son poisson
Fishcount (en anglais)
Greenpeace/Océans
Sea Shepherd
Les oiseaux marins victimes de la surpêche
Et comme j'en entends maugréer dans le fond, ben qu'est-ce qu'on mange alors si on ne peut plus manger de poisson ?
Voici un lien vers un e-book gratuit que vous pouvez feuilleter et où vous pouvez piquer des recettes !

15 commentaires:

  1. De plus avec les méthodes de surgélation, et des bateaux de capacité de plusieurs centaines de tonnes, ils peuvent aller toujours plus loin, sans compter les cargos qui servent de stockages pendant les saisons, mais les océans ne sont pas infinis :(

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  2. C'est insensé cette surconsommation de tout, et cette mort permanente partout dont on nous fait croire que c'est pour notre bien.
    merci pour ce billet
    NB je change de pseudo.

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  3. Merci pour votre article, très intéressant, et les vidéos qui l'accompagnent.

    1 000 milliards : c'est le résultat d'une estimation du nombre de poissons pêchés dans le monde chaque année (hors prises accessoires), publiée dans un rapport - qui fait état également des méthodes de pêches - "Worse things happen at sea" disponible sur le site fishcount.org.uk . On peut trouver cette évaluation ainsi que d'importants extraits du rapport sur les techniques de pêche, traduits en français, sur le site des Cahiers antispécistes :
    > Le pire a lieu en mer
    http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article412
    > Combien de poissons sont pêchés par an ?
    http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article413

    Bonne journée à vous

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  4. @healcraft : la Scapèche (bateaux-usines : pêche, découpe et surgélation, conditionnement) rentre du bout du monde avec les filets découpés et surgelés, prêts à l'emploi dans leurs cagettes pour le rayon poisson d'Intermarché ! Des poissons somaliens chez un hard discounter, ça ne peut se faire qu'avec les subventions de l'Europe. Les clients croient acheter bon marché un "produit" rare, payé deux ou trois fois et affamant les africains ! Les patrons pêcheurs artisanaux lorientais ont coulé un de leurs navires il y a un ou deux ans. On n'en a pas trop parlé : le sujet est délicat en diable, l'entreprise est régionale et issue de patrons bretons comme Intermarché.

    @ Elihah : pour nous faire en manger, il faut d'abord nous persuader qu'on en a besoin, que c'est indispensable à la santé (médecins, nutritionnistes,... tous en blouse blanche ultra-prescriptrice démontrant leur statut de gens qui savent), que sans en manger on ramollit du cerveau et on meurt ; je n'en ai pas mangé depuis 12 ans ! Tout va bien.

    @ cmP Merci de vos précisions et liens, et de votre passage :-))

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  5. Tu me plombes le moral, gravement! Je ne connaissais pas tous les chiffres, même si j'avais des infos sur ces massacreurs des mers.

    C'est compliqué l'humanité, très. Depuis la nuit des temps elle fait la guerre sauvagement, et pour l'avenir, je crois que peu de gens s'en soucie vraiment. L'égoïsme, l’ethnocentrisme prépare le futur désastre.

    J'ai lu il y a deux ans: "la route", de je ne sais plus quel auteur américain, on la prépare cette route. Où qu'on regarde, c'est elle qui se profile. Sauf...

    Sauf qu'il reste la petite flamme en quelques-uns qui veulent bien encore lutter pour qu'il en soit autrement.

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  6. @ Hébé : La route, c'est de Cormac Mac Carthy, je l'ai lu aussi ! Effectivement, c'est très noir, même pas la fin du monde, juste une régression terrifiante, dont on ne connaît pas la cause. Maria Damanaki, la commissaire européenne, prépare une réforme de la pêche, ça ne peut plus durer. C'est pour cela qu'il faut signer chez Hugh's fishfight. Et éventuellement envoyer ses commentaires sur le site de l'Union Européenne. Il faut arrêter le carnage !

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  7. J'ai aussi du mal avec ce billet. C'est tellement épouvantable ! La mer c'est notre berceau, nous en venons tou.te.s !
    Je ne mange plus de poisson non plus depuis longtemps et je vais très bien aussi.
    J'ai remarqué que le café était également très mauvais pour la santé. Il fait perdre tous les sels minéraux en particulier le magnesium. Avant d'arrêter d'en boire je devais prendre du magnesium. Je n'ai plus eu besoin ensuite. Hier j'en ai repris deux tasses et j'ai eu d'atroces crampes aux mollets dans la nuit !
    Là aussi, les "spécialistes" en blouse blanche (mais quel spectacle de guignol, c'est incroyable !) nous bourre le crâne en nous faisant croire à ses vertus inexistantes !
    Ici il est écrit que les poissons et fruits de mer contiennent du magnesium mais les légumes et les oléagineux couvrent largement nos besoins (à condition de ne pas boire de café) ! http://www.chambon.ac-versailles.fr/science/sante/stress/mg/source.htm

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  8. @ Euterpe : oui, ça plombe le moral, mais ce billet est destiné à celleux qui ne sont pas informé-e-s sur le désastre de la (sur)pêche. La mer notre berceau, et continent inconnu dont nous détruisons les fonds sans les connaître, ni ses habitants dont l'inventaire n'est pas à moitié fait. Moi aussi, j'ai arrêté le café, bien qu'il me stimulait bien. Il me fait carrément des trous dans l'estomac. Merci pour le lien : oléagineux et amandes ont d'excellents apports en magnésium effectivement.

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  9. Du coup j'ai regardé plusieurs films sur l'Artic Sunrise. J'aimerais bien être avec elleux...

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  10. C'est terrible cette destruction accélérée de notre univers marin. La famille de mon amie est une famille de marins, depuis nombre de générations, et cette destruction maritime, touche en priorité ceux qui en vivent, ou en vivaient. Le milieu des marins, pluri-centenaires, voire millénaires, se délite à vitesse grand V, lui aussi.
    Bonne fête de Noël, si jamais vous la faites cette fête. Merci pour votre belle écriture.

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  11. @ Euterpe : oui, ce sont des activistes sympathiques et engagés qui savent prendre des risques. Un petit défaut toutefois de Greenpeace, ils ne sont pas végés, contrairement aux activistes de Sea Shepherd.

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  12. Sachant que des experts affirment qu'il y a au moins 1000 insecte, bactérie ou être vivant dans un metre cube de bois, compte combien d'êtres vivant tu as tué avec tes feuilles, tes tables, tes chaises, tes meubles...

    Si on considère que entre un termite et un daim, il n'y a aucune différence sur le plan animalier (a par la beauté de la chose, mais bon, les goûts et les couleurs) entre les deux, de quel droit tu en massacres certain tout en protégeant déraisonnablement d'autre ?
    La vie d'un cerf est elle plus précieuse que celle d'une puce ?


    Bref, tout sa pour dire que même si les méchants capitalistes tuent des milliers ou millions de poissons, tu tues autant d'être vivant a toi seul, mais bon, comme la nature est bien faite, les animaux ce reproduisent et nous permette de les retuer demain :).

    En gros oui y'a des abus, oui tué des poisons et le rejeter en mer sa pue, mais je pense qu'il y a un équilibre entre pas manger un steak et en faire un massacre.
    Vous (végétaliens) êtes tout aussi idiot que les connards qui massacrent des milliers d'animaux pour le plaisir, car vous n'avez aucun équilibre.

    La Terre n'irais pas mieux si il y avais que des végétaliens ou que des entreprise de destruction animalière, mais par contre, avec un équilibre raisonnable et pensé pour durer entre le nombre d'animaux qu'on tue pour ce nourrir et la capacité de ces dernier a ce multiplier.

    En gros, un extrême, qu'il soit politique, économique, qu'il concerne la place des sexes dans le monde ou autre, n'est JAMAIS bon.

    Ainsi, il est tout aussi idiot d'être végétalien que d'être un chasseur, par contre, être intelligent et trouvé le savant équilibre entre ces deux mondes, sa c'est tout sauf idiot.

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  13. @ Christophe Aubert : bien sûr que les pêcheurs artisanaux paient la destruction des poissons, la flotte n'arrête pas de désarmer ses bateaux, à coups de subventions aussi, puisque l'Europe leur donne des subventions pour désarmer leurs chalutiers ! Ceux encore en activité restent au port la plupart du temps, puisqu'ils ont des quotas à ne pas dépasser. Il faudrait aussi parler de la pêche braconnière et illégale, hors quotas qui continue le massacre. Bon Noël à vous aussi.

    @ Anonyme : je ne sais toujours pas ce que vous venez faire sur mon blog à part vous y faire du mal pour ensuite exprimer vos désaccords et frustrations. Mais il y a aussi l'hypothèse troll(isme). Je ne vais même pas essayer de vous répondre, nous avons l'habitude d'être traités d'extrémistes et d'idiot-e-s car nous ne mangeons pas de chair animale, qui par ailleurs rend tellement intelligents ceux qui en mangent ! Inutile d'essayer de vous expliquer que le végéta*isme est un mouvement pacifiste qui refuse le carnisme, cette idéologie -machiste par ailleurs !

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  14. D'abord, pour le cerveau, il y a un truc bien meilleur que le poisson, c'est l'huile d'olive, c'est délicieux et moins destructeur (et plus sain, faut pas oublier que les poissons vivent dans la mer, qui est un élément pollué à cause de l'homme)!!! Une petite tranche de pain frottée à l'ail et trempée dans l'huile d'olive, c'est le bonheur et la santé!

    C'est clair que pour ceux qui en veulent, il ne faut pas acheter de poissons en grandes surfaces: les techniques employées sont ignobles et souvent, les poissons sont décongelés sur l'étal. Les mers sont de vraies poubelles, les poissons ingurgitent n'importe quoi, du métal, des sacs plastique, ils en étouffent. Il y a pas mal de poissons " basiques " en voie d'extinction, comme le merlu, le cabillaud, la sole, trop pêchés et plus le temps de se reproduire!! Les maillants sont de vraies bombes, oui, puisqu'en drainant le fond, ça ramasse tout sur des kilomètres sans faire le " tri ".

    Même ici au Pays Basque, l'anchois est en voie de disparaitre, il y en a de moins en moins.

    J'achète quelques fois par an du poisson et toujours au port, au cul du bateau. Ce sont les pêcheurs qui le vendent eux-même, selon la pêche du jour. Parfois il y a, parfois, il n'y a pas grand-chose.

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  15. @ Angèle : effectivement, le poisson bon pour la santé selon les propagandistes, c'est faire l'impasse sur les métaux lourds et les PCB. Mais, bon, puisque l'Europe paie pour la pêche intensive et repaie dans le même temps pour désarmer les bateaux, c'est Gribouille qui gouverne.

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