lundi 15 septembre 2014

Femmes et économie - L'économie pour toutes

Quand, dans un sondage, on demande à des gens de calculer combien de capital ils ont au bout d'un an de placement de 100 € à 2 %, 39 % de femmes donnent la bonne réponse (102 €) contre 64 % des hommes ! Timidité en face de la discipline (ce n'est pas possible autrement) alors que les femmes font tous les jours des arbitrages économiques chez elles pour la vie de tous les jours. Les femmes sont les ministres des finances de leurs foyers.



J'ai vu, en début d'été, un sujet sur les ventes de voitures dans le magazine Reportages sur TF1 : on suivait un excellent vendeur de voitures avec un couple de clients (Monsieur et Madame) qui souhaitait acquérir une nouvelle voiture en vendant l'ancienne à bon prix sur le marché de l'occasion. On a très vite compris, comme le commercial, que Monsieur parlait le premier sur les détails techniques (vroom vroom) de la future voiture, Madame écoutant sans rien dire, mais au moment de parler budget et décision d'achat, c'est Madame qui reprenait la parole et discutait le morceau. Le vendeur n'a d'ailleurs pas fait d'erreur : il a parfaitement compris au bout de quelque minutes de questionnement sur le besoin et désir d'achat de ses clients, sur le budget qu'ils voulaient y mettre, que le ministre des finances du foyer était Madame et qu'aucune vente ne se conclurait sans son arbitrage final.

L'économie, c'est cela : décider d'acheter ou au contraire d'épargner, s'engager pour 25 ans dans le remboursement d'un appartement en devenant propriétaire ou au contraire, être locataire pour rester mobile et épargner la différence en plaçant son argent en produits financiers diversifiés. Toutes les femmes font cela tous les jours. C'est de la micro-économie. Les mêmes recettes s'appliquent à la macro-économie : PIB, endettement, équipement, emprunts sur les marchés financiers, investissements et bas de laine. Normalement, les ministres de finances et les gouverneurs de banques centrales devraient, à compte-là, être des femmes !

Quand j'ai commencé ma lecture de ce livre écrit par deux économistes femmes, Jézabel Couppey-Soubeyran et Marianne Rubinstein, économistes et Maîtres de conférence en université, j'ai eu un peu peur d'une vulgarisation bas de gamme ; j'ai en effet eu des cours d'économie il y a longtemps : assiette de l'impôt, Milton Friedman et l'Ecole de Chicago, Keynes et le Keynésianisme, Marx économiste classique, Joseph Schumpeter, croissance et rapports de production, etc... et j'adorais ça ! Ma professeure était d'ailleurs une femme. La discipline, "fumeuse quand présentée par les hommes", ne m'a jamais rebutée. C'est juste du bon sens. Ne jamais se laisser intimider par les formules des économistes. Les faire expliquer jusqu'à parfaite compréhension du sujet, et jeter un œil de temps en temps sur la presse économique. Mais non, cet ouvrage est une excellente vulgarisation ou un rappel bienvenu de ce que nous savons de l'économie. Aucun sujet n'est occulté : les explosions des bulles financières et immobilières de 2008, la crise des dettes souveraines en 2010, le pourquoi, les solutions bancales et partielles qui ont été apportées, l'Europe, l'Euro, le rôle de la monnaie et des banques, les inégalités hommes-femmes qui impactent tant l'économie et le bien-être personnel et général, le calcul des PIB qu'il faut dénoncer : "destruction créatrice" (affreux oxymore) des richesses limitées de la planète (voir billet précédent) : la production domestique (le travail des femmes en majorité) non comptabilisée dans cet indicateur de création annuelle de richesse, 60 milliards d'heures de travail domestique représenteraient environ 636 MILLIARDS D'EUROS, soit UN TIERS du PIB de la France ! "Vous repasserez bien un petit coup d'aspirateur" demandent les autrices ! Et quand on n'est pas reconnue comme productrice, on n'est pas non plus associée au partage des fruits de la production. Voilà pourquoi les femmes sont pauvres. Armer des bateaux de guerre à Saint-Nazaire et les livrer (Ou pas ? dilemme de cette semaine) à un Poutine hyper viril qui joue des muscles, fait un gros chiffre d'affaires qui gonfle bien le PIB aux risques de la guerre, mais pas élever des enfants ni les nourrir et les éduquer ? On a vraiment un problème !

Dans l'impasse où nous sommes, "On sait qu'il faut trouver des solutions nouvelles - et, vu l'état du monde, il y a urgence- il n'y a rien de pire que l'entre-soi masculin qui conduit au conformisme de la pensée". La féminisation de l'économie doit profiter à toustes concluent les autrices. Lisez ce livre : il évite le jargon flanelle grise et techniciste des hommes et rend l'économie (c'est-à-dire la vie de tous les jours) compréhensible.

Liens : La finance pour tous parle de L'économie pour toutes.
Et mon économiste préférée : Marilyn Waring et ses travaux dans un ancien billet.

"Nous enseignons l'économie de la même manière qu'auparavant, quand les femmes ne comptaient pas. Or, maintenant les femmes comptent. Alors comment traduire l'économie en girlish ?" - Claudia Goldin Professeure d'économie à Harvard.

2 commentaires:

  1. Signalons aussi qu'en plus de se nourrir du travail féminin non rémunéré au lieu de laisser leur place aux femmes, l'économie exploite directement leurs corps et celui des plus démunis en général. Et cela ne se limite pas qu'à la prostitution que certains voudraient introduire dans le PIB, depuis que l'on dispose de technologies assez performantes, la moindre cellule peut être mise sur le marché ! A ce sujet, un livre qui a l'air très intéressant, et des émissions à découvrir.
    http://www.franceculture.fr/oeuvre-le-corps-marche-de-celine-lafontaine

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    1. Merci pour le lien. Effectivement, le tout marchandise est en train de gagner. Et le corps des femmes en fait les frais, une fois de plus.

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